Reine ne puis, princesse ne daigne... [PV]

...De Montvermeil je suis ! Oui, c'est un ignominieux pastiche de la devise des Rohan, mais il faut bien que Dumas serve à quelque chose !
En ce début d'après-midi automnal, tandis que les hirondelles les plus frileuses prenaient déjà leur envol et que les hérissons les plus paresseux entraient en hibernation, Eugénie Angélique Florence Louise Marie de Montvermeil ("Mais appelez-moi Altesse Eugénie") remontait d'un pas conquérant vers les cuisines de l'école dont l'entrée ultra secrète n'était plus un secret pour personne, depuis le temps....
Son sac de cours, sur lequel s'étalait largement l'autocollant d'une énorme tête de Bisounours, rose et hilare, fronçant délicieusement son petit nez en forme de coeur et souriant de l'air goguenard de qui a trop bu, qui battait contre sa hanche à chacun de ses sautillements énergiques, semblait plein à craquer, fait qui ne pouvait qu'étonner : hormis deux ou trois Serdaigles particulièrement atteints, personne ne pouvait sérieusement songer à travailler un samedi après-midi ! D'ailleurs, revenus à Poudlard depuis une dizaine de jours seulement, les élèves ne croulaient pas encore sous le poids des devoirs.
Mais la mission que s'était fixée la petite Eugénie, ce jour-là, n'avait absolument rien à voir avec un quelconque exercice d'arithmancie. Elle était - excusez-nous du peu - autrement plus importante. Non ! Ce qui gonflait ainsi le sac de la fillette n'était pas l'habituel fatras de plumes, parchemins et autres livres qui remplissaient de coutume les sacoches des élèves. Non ! Ce n'était pas non plus sa collection de Fantômette Magazine. Non, enfin, elle ne trimballait pas les quinze derniers Bisounours parus pour tenter de les refourguer discrètement à d'autres élèves. Pourtant, Bisounous n'était pas étranger à ce que la brunette manigançait...

Car ce que contenait le sac d'Eugénie n'était rien de moins que sept petits costumes roses et pelucheux censés imiter l'habillement du Groscâlin de base (certes, le rembourrage manquait, mais elle était assez fière des petites oreilles et, dans un élan d'optimisme qui lui était familier, elle avait supposé qu'un ou deux petits sortilèges régleraient rapidement ce problème de bourrage). Elle avait travaillé d'arrache pieds tout au long de l'été pour les mettre au point (ce qui signifiait - ô comble de l'avilissement ! - qu'elle avait dû apprendre à se servir d'une machine à coudre. Sa mère en avait eu une crise d'apoplexie. La couture - Madame - c'est tellement populaire !). L'oeil averti se serait rapidement aperçu que ces costumes - trop petits pour être porté par n'importe quel élève de Poudlard - avaient pile la taille de Filius Flitwick d'un elfe de maison standard.
L'ambition d'Eugénie de prouver la suprématie de Bisounours au monde sorcier, venait de prendre un nouveau tournant grâce à un stratagème qu'elle n'aurait pas hésité à qualifier de farfelu génial. L'idée avait germé dans son esprit malade au cours de l'année dernière, en relisant (le nombre de "re" n'étant pas - loin s'en faut ! - exhaustif) Bisounours à la Comédie. Pourquoi ne pas monter une pièce de théâtre mettant en scène les aventures de Groscâlin, Grosdodo (un rôle de composition, pour un elfe de maison !) et tous leurs petits copains à fourrure et la présenter, pour Noël, à ses camarades surtout aux Serpentards qu'elle sentait très réceptifs à l'appel de Bisounous ? Ce serait une excellente publicité pour cette oeuvre littéraire qui mériterait le Nobel les livres ! Or, de la publicité pour Bisounours, Dieu seul savait à quel point Eugénie s'efforçait d'en faire, depuis qu'elle était arrivée à Poudlard, trois ans auparavant.

D'aucuns auraient pu croire que les échecs de ses précédents plans bisounoursesques - depuis la campagne d'affichage chez les commerçants de Pré-au-Lard jusqu'au racolage actif dans la bibliothèque de l'école - avaient eu raison de sa patience. C'était sans compter sur la pugnacité sans trêve de la Serpentard, qui alliait, avec une sorte d'ardeur folle, obstination et confiance éhontée en Bisounours. D'ailleurs, elle ne considérait pas ses tentatives passées comme des échecs. Après tout, cinq boutiques avaient accepté de prendre ses affiches et quelques Poufsouffles probablement pris de pitié et désireux d'en finir avaient pris les livres qu'elle leur tendait avec insistance. Et puis quoi ! Rome ne s'était pas faite en un jour ! Le monde sorcier pouvait être tellement arriéré, parfois...
Bref, cet après-midi là, Eugénie avait décidé de passer à l'attaque : il fallait absolument commencer les répétitions au plus vite si elle voulait être au point pour Noël ! Comment ? Les elfes de maison ? Oh ! Hé bien ils seraient d'accord. Ils ne pouvaient qu'être d'accord. Pensez-vous, pour eux, ce serait un honneur de participer au spectacle !
Certes, Eugénie était bien consciente que les costumes risquaient de poser un léger problème technique en ce sens qu'ils étaient, somme toute, des vêtements, et que les elfes ne recevaient de vêtements que de leur maître lorsque celui-ci désirait les affranchir, toutefois, elle ne s'en inquiétait pas trop pour le moment. Après tout, ils pourraient enfiler les costumes par dessus leurs chiffons hardes. De toute façon, les chers petits seraient probablement bien trop heureux à l'idée de jouer la comédie pour ne pas se permettre une petite entorse aux traditions. Dans le cas contraire... Hé bien elle essaierait de négocier avec MacGonagall qui était certainement très ouverte à la culture bisounours.

Eugénie redressa fièrement le menton et lança un coup d'oeil triomphal aux alentours... Qui se trouvaient, bien malheureusement, vides. Tss ! Où était la plèbe lorsqu'on avait besoin d'elle ? Ah ceux là, à part manifester, vraiment...
La petite eut une moue très aristocratique et elle plissa le nez d'une manière qui n'était pas sans évoquer Bisounours himself, juste avant d'arriver devant l'entrée tellement top secrète que tout le monde la connaît, des cuisines.
D'un air à la fois hautain et franchement conspirateur, Eugénie gratouilla la grosse poire de la Nature Morte (Une nature morte ? Cette croûte ? Aha, laissez-la rire ! Ces sorciers n'avaient décidément aucun goût !) et entra d'un pas royal (comment cela, les cuisines étaient interdites aux élèves ? Comme si les interdictions s'appliquaient à quelqu'un de sa condition !) dans les cuisines...

(1019 mots, à une grosse vache poire près)

Altesse Eugénie s'était arrêtée sur le pas de la porte et avait embrassé la pièce d'un regard tranquille. Le déjeuner était déjà loin, le dîner pas encore là aussi l'immense majorité des elfes avait déserté la cuisine pour s'égailler dans les étages, où il y avait fort à faire. Quelques esclaves petites créatures étaient toutefois restées dans les cuisines où elles finissaient de rincer la vaisselle avec un professionnalisme louable. Dans un coin plus reculé, un elfe tentait manifestement de se noyer dans une soupière, à grand renfort de "glouglouglou". Eugénie haussa un sourcil et esquissa un mouvement de recul lorsque, dans une gerbe de potage à la tomate, l'elfe sortit la tête de son plat... Pour mieux y replonger, avec force gémissements, deux secondes plus tard. La Serpentard ignorait quel crime de lèse-majesté le malheureux avait bien pu commette pour mériter un tel châtiment trop saler la soupe ? mais sa méthode d'auto-flagellation aurait certainement beaucoup plu à l'Inquisition, dans un autre temps.
La fillette détourna les yeux de ce bien triste spectacle (pauvre soupe, tout de même ! Ce n'était pas sa vocation première de se transformer en piscine punitive !) et reporta son attention sur le reste des elfes, qui lui lançaient des coups d'oeil curieux par dessus leurs torchons et la gratifiaient de sourires aguicheurs laissant clairement à entendre qu'ils n'avaient d'autre ambition dans l'existence que d'accéder à ses moindres désirs. Eugénie s'autorisa un sourire satisfait. Enfin on la traitait avec le respect qui lui était dû. Le reste de l'école était si mal élevé. Mais il fallait reconnaître que les petits prolétaires qui peuplaient le château n'avaient pas eu la chance d'être éduqués convenablement. C'était une des tares de la monarchie constitutionnelle. A force de faire croire au peuple qu'il commandait, il en devenait arrogant ! Et que dire de la terrible trahison (toujours rouler les "r") dont ceux de sa race avaient été victimes, en France, plus deux siècles auparavant ?

Elle en était là de ses pensées lorsqu'Ethan - dont elle ignorait le nom - comme si l'identité de ses inférieurs l'intéressait, franchement ! - fit irruption dans la cuisine, visiblement très à son aise. Eugénie y vit la preuve concrète de ce qu'elle avançait : la prétention des basses classes faisait décidément force de loi, ces dernières décennies. Pas étonnant que le pays aille si mal avec ce genre de petits coqs au pouvoir ! Ils n'étaient pas faits pour diriger. Tandis que les familles comme la sienne avaient la politique dans le sang. Tout foutait le camp, ma bonne dame !
La brunette lorgna son camarade d'un oeil qu'il aurait été euphémistique (non, ne cherchez pas. Ah si, en fait, ça existe !) de qualifier de froid. Classe, dignité et distinction ! Enfin, tout de même, c'était insensé ! Alors maintenant, n'importe qui avait le droit de briser les règles les plus élémentaires ? Qu'elle se permette, elle, de fréquenter la cuisine n'avait rien de choquant : elle était une De Montvermeil, nom d'un chien ! D'ailleurs, elle n'était pas venue pour siroter un thé en grignotant des scones ! Son but était autrement plus louable qu'un simple rinçage de gossier ! Mais que cet... Individu de basse extraction (si, si, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure ! Eugénie avait du flair pour ces choses là ! Des siècles de sang bleu faisaient plus que des cours dans une école des bonnes manières !) ose pénétrer dans des lieux fermés au grand public était profondément détestable !
La fillette détailla Ethan d'un oeil circonspect et ne put que remarquer le blason qui ornait son blason. Serpentard ? Vraiment ? Hé bien ! Le Choixpeau mettait vraiment n'importe qui dans leur maison, maintenant ! Franchement, s'il continuait sur cette voie là, Serpentard ne vaudrait bientôt pas mieux que Poufsouffle !

L'idée de rester trois minutes de plus en compagnie de ce sinistre personnage qui faisait honte à sa maison, ne lui plaisait guère et Eugénie hésita un court instant à faire demi-tour pour revenir plus tard. Toutefois, tout son orgueil se révoltait : comment ? Elle ? Une De Montvermeil ? Fuir face à un vulgaire petit paysan ? Ses nobles ancêtres auraient eu de quoi se retourner dans leur tombe Outre-Manche. De toute façon, elle était arrivée la première !
Comme si ce dernier point réglait définitivement la question, Eugénie adressa un dernier coup d'oeil à Ethan et s'apprêta à aller tirer l'elfe de sa soupière pour lui demander d'enfiler un petit costume ("Mais essuie-toi d'abord la figure, please, je n'ai pas envie que tu le salisses !") quand - ô comble de l'horreur - elle fut coupée dans son élan par Ethan qui lui adressait la parole. Si encore il lui avait adressé un ou deux compliments bien sentis seyant à leurs conditions respectives, elle aurait probablement passé outre cette (nouvelle) entorse au règlement. Mais non ! Le petit outrecuidant se permettait de critiquer son sac. Parfaitement ! Critiquer ! Elle l'avait bien perçu au ton de sa voix !
La fillette se redressa de toute sa hauteur, narines frémissantes et joues pâles, et toisa le jeune garçon avec fierté avant de daigner répondre d'un ton sec :

- Je le sais parfaitement. C'est même ce qui fait toute la noblesse de ce sac.

Puis, estimant sans doute qu'elle avait perdu suffisamment de temps avec Ethan, elle se détourna d'un claquement de ballerines (et claquer ses ballerines convenablement demandait des heures d'entraînement !) et se dirigea d'un pas raide vers l'elfe au potage. Non mais des fois !

(932 mots et des bananes)

Là où la situation serait devenue franchement loquace pour un observateur extérieur autre qu'une poignée d'elfes de maison (créatures qui, comme chacun le sait, sont dépourvues de cervelle), c'est que le sentiment de tranquille supériorité qui irradiait d'Eugénie se retrouvait également chez Ethan, et ce bien que la jeune fille n'en eût pas conscience. Autrement dit, la conversation risquait d'être rapidement bloquée... A condition, bien entendu, qu'il y ait conversation !
Eugénie ne manqua pas - comment l'aurait-elle pu ? - le sarcasme qui perçait dans la voix d'Ethan avant qu'il n'éclate de rire. Elle se garda toutefois bien de se retourner. Deux années pleines passées à Poudlard l'avaient clairement endurcie contre ce genre de moqueries imbéciles. A ses yeux, chacune d'elle n'était qu'une preuve flagrante de l'état de désert intellectuel dans lequel était tombé le monde sorcier. "Ils n'ont rien oublié ni rien appris" aurait dit Napoléon avec - pour une fois - un éclair de génie littéraire. Encore qu'il fût fort regrettable que le trait d'esprit en question ait directement visé les Bourbons (si, si, souvenez-vous, 1815, le retour de l'île d'Elbe, les Cent Jours, la Restauration, tout ça, tout ça !) qui, comme tout un chacun se doit de le savoir, n'ont rien à se reprocher si ce n'est un trop grand laxisme envers la foule (et c'est là qu'on comprend pourquoi Eugénie est à Serpentard).
Fort peu ébranlée par cette attaque directe - elle avait tout un arbre généalogique attesté pour la soutenir - Eugénie se contenta d'esquisser un sourire condescendant. Décidément, la chienlit avait la dent dure, à Poudlard !
La fillette s'approcha d'un pas serein de l'elfe au potage et déposa lentement son sac au pied de la table, prenant un malin plaisir à tourner le faciès hilare de Bisounours dans la direction d'Ethan. Après tout, cet autocollant avait l'air de l'inspirer et il aurait été fort impoli de sa part de brimer sa créativité poétique. Même si sa prose empestait la grossièreté campagnarde. A croire que certaines écoles de sa très Gracieuse Majesté Elizabeth II ne se montraient pas à la hauteur de la tache éducative qui leur incombait.
Eugénie croisa calmement les mains sur la table et fixa Ethan d'un oeil au fond duquel la pitié paternaliste se battait avec un sincère amusement. Finalement, elle rétorqua du ton tranquille de qui se sait dans son bon droit :

- Je n'ai pas l'intention de te les faire porter. Vois-tu, il faut un minimum de dignité pour se le permettre. Et de toute évidence, tu ne vaux pas beaucoup mieux qu'un petit garçon capricieux.

Elle adressa un regard perçant à Ethan avant de soupirer avec compassion :

- Mais tu n'y es probablement pour rien. C'est certainement un problème d'éducation. Ou de dégénérescence familiale...

La brunette laissa sa phrase en suspens et gratifia son camarade d'un sourire qui n'était rien moins que carnassier. Puis, elle se détourna résolument pour observer le petit elfe à la soupière. Elle était venue ici pour mener une mission à bien et elle ne comptait pas s’en laisser détourner par les sottises d’un petit écervelé. Et maintenant… Où pouvait-elle trouver un tablier à sa taille, dans cette cuisine ?

(531 mots à un potage près)

Et dans la ronde du temps valsent les esprits. Les grands, les nobles, les petits. Les purs, les frêles, les rusés. Année après année, siècle après siècle coulent les esprits. Se fondent, se confondent, dansent et virevoltent. Ricochent et s'entrechoquent puis s'accrochent, génération après génération, pour que l'ascendance parle à travers la descendance et que ce qui fut ne soit pas oublié. De l'importance de la réminiscence affleurant à l'orée de la conscience. Pour que vive la famille.
Et sa famille, visiblement, Ethan en avait une conscience aigüe héhé, avouez que vous ne saviez pas comment j'allais m'en sortir ! quoique un peu trop orgueilleuse pour être honnête. Du moins de l'avis d'Eugénie. La Serpentard avait gratifié son camarade (hélas !) d'un bref coup d'oeil par dessus son épaule, lorsqu'il s'était mis en tête de lui réciter son arbre généalogique (comme si elle en avait quelque chose à faire, franchement ! Etait-il si important qu'il lui faille mémoriser ses aïeux ? Certes non !), un air indicible - mélange de pitié et de mépris - plaqué sur le visage. Dieu que ce garçon était pathétique ! S'il croyait lui en imposer avec ces noms affreusement prolétaires tout droit sortis des bas-fonds les plus sordides de la tourbe populaire, il se trompait lourdement ! On n'impressionnait pas huit siècles de sang bleu aussi simplement. Oui, huit siècles, parfaitement ! Qu'il nous soit permis de dire - en toute modestie - que la branche De Montvermeil s'était hissée à la force du poignet (et du complot) au plus haut rang de la noblesse française en profitant habilement de la guerre de cent ans. Fidèles jusqu'au bout à la monarchie française, près de quatre générations de Granvelle avaient combattu aux côtés de leurs monarques et la famille s'était vue récompensée de ses bons et loyaux services envers la royauté par le don des terres (et par conséquent du titre) De Montvermeil, confisquées à Louis Baudoin De Montvermeil, Duc déchu pour avoir soutenu l'occupant anglais. Si le Terrible Evénement de 1789 avait contraint la famille à émigrer pour l'Angleterre, son sang, lui, n'en était pas souillé pour autant.
Aussi fut-ce sans se départir de son calme olympien (car un aristocrate, un vrai, ne se mettait pas en colère pour un roturier) qu'elle rétorqua froidement :

- Enchantée. Eugénie Angélique Florence Louise Marie De Montvermeil. Mais je suppose que tu ne connais pas suffisamment ton histoire pour que le nom réveille le moindre souvenir. Mais après tout, c'est normal. L'Histoire est l'apanage de la noblesse, vous autres, gens de rien, la méconnaissez bien trop souvent, rajouta-t-elle en haussant un sourcil faussement dépité.

Elle s'était totalement retournée, pour parler, de manière à faire face à Ethan des fois qu'il serait violent, savait-on jamais avec les rustres ! et toisait à présent le jeune garçon d'un oeil calculateur, comme si elle cherchait à le passer aux rayons X ("Mais tu ignores probablement de quoi il s'agit, n'est-ce pas ? Vous autres gens de rien ignorez tout de la science !"). Elle avait croisé les bras sur la poitrine geste qui, bien loin d'indiquer une quelconque impatience, marquait plutôt sa volonté implacable d'avoir le dernier mot. Elle était dans son bon droit et elle le savait (de toute façon, elle était toujours dans son bon droit !).
Un fin sourire se dessina au coin de sa bouche lorsqu'elle reprit d'une voix suave :

- Tu dois avoir un sérieux complexe d'infériorité, non, pour autant encenser ta famille ? La vraie noblesse est intégrée, vois-tu, elle n'a pas besoin de s'énoncer pour être reconnue comme telle.

Et alors là, c'est le moment où elle devait commencer à courir ?
Non, certainement pas ! Dans le monde mental d'Eugénie, Ethan pouvait à la rigueur exiger réparation par un duel au fleuret dans les règles de l'art. A la rigueur. Car il n'était pas dans l'usage de convoquer les femmes en duel. D'ailleurs, la pratique avait été (officiellement) interdite sous Louis XIII...

(661 mots)

De deux choses l'une : ou bien ce garçon était d'une bêtise incommensurable ou bien il en faisait exprès. Eugénie avait sa petite idée que la question, et autant dire tout de suite que la réponse ne flattait nullement le Serpentard. Franchement ! Prétendre défendre sa cause en se mettant dans un tel état de rage proche de la crise de nerfs de la femmelette lambda (des sels, qu'on lui apporte des sels, il allait défaillir !) ne servait nullement les intérêts du jeune garçon. Si Eugénie avait pu le prendre, au premier abord, pour un petit légèrement simplet, il lui apparaissait désormais comme un fou furieux dépourvu de cervelle. Dégénérescence, elle maintenait ! Son sang ne devait pas être si pur qu'il voulait bien le laisser entendre, pour avoir engendré un pareil individu ! Car dans l'esprit d'Eugénie, tout comme, probablement, dans celui d'Ethan, la dégénérescence n'était pas le dramatique résultat d'une consanguinité soigneusement entretenue pendant des siècles mais plutôt la redoutable conséquence du mélange des classes. Bref, les Templeton avaient déchus, c'était évident !
De nouveau, la demoiselle hocha la tête d'un air faussement apitoyé tandis qu'au fond de ses prunelles grises luisait déjà, cruel et métallique, l'éclat de la victoire. Oui, de la victoire : elle ne doutait pas (elle n'avait pas douté un seul instant, d'ailleurs), à présent qu'elle voyait Ethan se diriger vers la sortie, d'avoir remporté haut la main la petite joute verbale à laquelle elle n'avait daigné se livrer que par amusement (et en aucun cas par respect pour son interlocuteur). Elle esquissa un sourire en coin. Presque moqueur, presque méchant. De ce genre de sourire qui donne le sentiment à qui vous regarde qu'on vient de le gifler. Un rictus de Serpentard, en somme. Elle n'avait cure de l'insulte - officiellement cinglante mais officieusement trop souvent employée en ces murs pour être efficace - concernant la pureté magique de son sang : par son attitude - ô combien puérile ! - Ethan venait de lui prouver que sa noblesse à elle valait cent fois la sienne. Et elle ne se ferait pas prier pour le lui rappeler, à l'avenir. Ce vaurien était né pour ramper et il ramperait, oh oui, il ramperait !

- C'est bien ce que je disais, déclara-t-elle d'un ton hautement satisfait, j'ai certainement dû toucher un point sensible pour que tu fasses preuve d'un comportement aussi inapproprié au rang que tu prétends défendre.

Elle marqua une courte pause, le temps de toiser, une fois de plus, Ethan, avant de reprendre d'un ton mielleux dégoulinant d'une mauvaise foi qu'elle ne cherchait pas à dissimuler :

- Tu m'en vois sincèrement navrée...

Puis, haussant les épaules, elle conclut froidement :

- Dis plutôt que tu es à court d'argument.

De toute évidence, elle prenait le départ d’Ethan pour une capitulation non avouée. Parfait. Décidément, ce garçon avait tous les vices ! Voilà qu’il alliait la bêtise à la lâcheté. Sa famille devait certainement être très fière de lui. Eugénie coinça une mèche brune derrière son oreille et se détourna à son tour, d’un pas fier, bien décidée à retourner (oui, je sais, détourner et retourner dans la même phrase, ce n’est pas top, et blablabla) vaquer à ses occupations (et même Occupations, après tout, il s’agissait d’Eugénie !) lesquelles étaient autrement plus intéressantes que la conversation de ce petit coq gorgé d’une suffisance éhontée !

(565 mots... A deux ou trois vaches près)

S'il y avait bien un défaut qu'Eugénie ne possédait pas, c'était la cyclothymie. Têtue de nature, la jeune fille n'avait pas pour habitude de changer si facilement d'avis. D'ailleurs, le lunatisme seyait fort mal à la noblesse : il revenait à dire qu'elle s'était trompée. Or, la noblesse, la vraie, finissait toujours par avoir raison et ce même si la Vérité, cette paresseuse, mettait parfois un certain temps (pour ne pas dire un temps certain) avant de se manifester.
Bref, il en faudrait plus que le (relatif) retour à la (relative) raison d'Ethan (ce dégénéré) pour qu'Eugénie le sorte de la case "pauvre petit garçon souffrant visiblement d'un complexe d'infériorité qu'il exprime à travers une agressivité et une mauvaise foie sans bornes", case qu'elle venait de créer tout spécialement pour lui. Alors, heureux ?
La brunette n'avait pu s'empêcher d'esquisser un sourire en coin particulièrement triomphal lorsque son camarade (mais entendons-nous bien : elle n'avait absolument rien à voir avec cet individu !) était revenu sur ses pas au lieu de prendre la porte dégradation du matériel, ah ben bravo ! comme il en avait visiblement eu l'intention. Ah ! La populace était tellement prévisible ! Le fameux coup du "Ouais, c'est ça, tu pars parce que tu sais que tu as raison. Ouais, parfaitement logique." fonctionnait toujours à merveille. C'était tellement facile de mener les groupes sociaux inférieurs par le bout du nez (et ce bien qu'Eugénie n'aurait accepté de toucher le nez d'Ethan pour rien au monde. Pas plus que toute autre partie de son anatomie, d'ailleurs. On ne savait pas où il avait traîné et la fillette était intransigeante quant aux règles d'hygiène élémentaire).
Moqueuse, la Serpentard haussa un sourcil qui en disait long sur ce qu'elle pensait du mea culpa d'Ethan avant de répondre d'un ton mordant :

- Hé bien voilà ! Nous avançons, nous avançons ! Mais il faut que je te dise... Je fais payer les séances de psychanalyse. Alors si tu veux continuer à évoquer ton enfance traumatisante, il va falloir sortir la monnaie.

Parce que franchement, hein, qu'est-ce qu'elle en avait à faire des parents d'Ethan, Eugénie ? Petite aide, la réponse commence par un "R" et se termine par un "Ien". Le premier à trouver gagne une blague carambar. Des réponses ?
Les bras croisés sur la poitrine et l'air aussi peu convaincu qu'un élève averti entendant Hagrid annoncer que "les petites bêtes auxquelles nous auront affaire aujourd'hui sont parfaitement inoffensives..." (généralement juste avant de lâcher un dragon affamé ou une chimère en colère sur vous), Eugénie attendit patiemment qu'Ethan ait fini sa diatribe. Dieu que ce garçon devait en avoir sur le coeur pour se montrer aussi long et surtout, embrouillé ! Car son discours n'avait rien de clair. Oh ! Eugénie pressentait bien qu'il devait y avoir un fil directeur derrière tous ces mots amassés les uns à la suite des autres mais l'esprit du garçon était si tordu (probablement suite à une dégénérescence familiale) qu'il était très difficile de le percevoir. Merci Merlin, Eugénie était suffisamment fine pour comprendre qu'il s'agissait, une fois encore, très probablement du traditionnel "Tu as tort et moi raison". Un classique. Que quelqu'un retienne Ethan, on allait bientôt avoir droit à la tournée des idoles (auquel cas il n'y aurait plus qu'à l'abattre. Ce qui ne serait peut-être pas un mal).
La fillette lui lança un coup d'oeil signifiant clairement "C'est bon, tu as fini ? Je peux parler maintenant ?" quand Ethan fit enfin mine de se taire, lui permettant ainsi de rétorquer aussi sec et avec un aplomb qui ne se démentait pas :

- Oh ! Ne sois pas ridicule enfin je sais, pour toi ça risque d'être dur mais fais un effort ! J'ai clairement entendu quelqu'un s'en prendre sans raison apparente à un malheureux sac uniquement parce qu'il avait le malheur d'être couvert d'une étiquette Bisounours laquelle agressait probablement ta fragile virilité.

Oui, tout ça en un seul souffle.
Bref, aux yeux d'Eugénie, Ethan avait un sérieux problème. Et elle n'avait pas l'intention de l'aider à le résoudre.

(681 mots... Ouais, ça doit être ça )

Eugénie avait esquissé un jet de cheveux victorieux en entendant Ethan perdre de nouveau son sang-froid. Ouh ! Attention ! Il tombait de plus en plus bas, non pas dans l'estime d'Eugénie, car, là, il avait atteint des profondeurs abyssales depuis belle lurette, mais dans la réflexion à deux noises. Bon sang, c'était presque décevant ! Pour un Serpentard, il ne faisait pas preuve de beaucoup d'esprit. Ce garçon était vraiment le boulet de la maison ! Choixpeau, je te hais !
De plus, ses faibles arguments étaient tellement faciles à contrecarrer que ça en devenait presque lassant voire même frustrant. Du sang, du sang ! Réclamait la foule en délire. Or, tout ce qu'Ethan lui offrait, c'était au mieux une ridicule petite égratignure dont son adversaire ne se rendait même pas compte. Que demande le peuple ? Du pain et des jeux ! Templeton aurait eu tout intérêt à revoir sa politique.
La jeune fille se fendit d'un sourire en coin avant de répondre d'un ton flatté volontairement théâtral :

- Ah ! Comme je te comprends ! Il est vrai que ça ne doit pas être évident pour toi de découvrir d'un coup tant de beauté, après avoir évolué dans un monde de brutes... Mais ne t'en fais pas, Dieu t'aime quand même, rajouta-t-elle, par pur esprit de provocation.

Ceci étant dit, elle observa d'un oeil moqueur son camarade tenter de trouver le chemin conduisant à son cerveau pour ajouter quelque chose de sensé. Allez Ethan, un petit effort... Non, plus haut que la rotule le cerveau ! Aaaarg ! Hélas, c'est un échec ! Mais ne t'en fais pas Dieu t'aime quand même tu feras certainement mieux la prochaine fois !
Dommage, Eugénie avait presque espéré qu'un soudain éclair de raison (oui, pas de génie, il ne fallait pas demander la lune non plus, il s'agissait, après tout, d'Ethan) viendrait illuminer les ténèbres où flottait l'esprit de son camarade mais visiblement, elle avait eu tort. Aussi ne put-elle contenir une moue vaguement dépitée lorsque le Serpentard lâcha son ultime bafouille sa dernière réplique. Certes, elle lui procurait une éclante victoire, mais à vaincre sans combattre on triomphe sans gloire. Et Eugénie estimait n'avoir pas eu beaucoup (voire même pas du tout) à combattre, dans cette histoire. Ethan était si prévisible ! Si décevant dans ses répliques ! Bref, si insipide... Elle en avait presque honte pour lui !

- Tss, tss, tss, laissa-t-elle échapper, avec la mine du professeur désespéré cherchant à expliquer pour la énième fois un concept pourtant simple à un élève visiblement limité, tu te rends bien compte que ta dernière phrase ne voulait rien dire ? Mais qu'est-ce qu'on vous apprend, à l'école ? Le théâtre de l'absurde ? supposa-t-elle avec une grimace dégoûtée qui en disait long sur ce qu'elle pensait au sujet de ce genre de pièces.

Visiblement oui, il en avait conscience car il ne tenait pas à s'éterniser.

- Hé bien ce fut un véritable plaisir, lui lança Eugénie d'un ton mondain, alors qu'il s'en allait.

Puis, se détournant définitivement de ce sinistre individu, elle se dirigea, comme si de rien n'était, vers l'elfe dans sa soupière. Elle avait à faire et Ethan lui avait déjà bien pris assez de son précieux temps comme cela. Il allait falloir songer à se faire rembourser. Avec des intérêts.

(556 mots et des bafouilles)

(Fini pour Eugénie. Sans blague ?!)